Amina Bouzguenda Zeghal, Directrice Générale du campus tunisien de l’Université Paris Dauphine PSL
A la tête de l’Université française Paris Dauphine I Tunis depuis 2014, Amina Bouzguenda Zeghal travaille en
étroite collaboration avec les entreprises pour proposer à ses étudiants des programmes de formation en licences et masters qui offrent une employabilité forte dès l’obtention de leur diplôme. Une stratégie qui fait ses preuves et classe l’Université dans le peloton de tête des formations d’enseignement supérieur.
Vous êtes le premier campus international de l’Université Paris Dauphine. Quelle est votre offre de programmes ?
Amina Bouzguenda Zeghal : Juste. A Tunis, nous proposons 2 licences et 4 masters, spécialisés dans les Sciences de l’organisation, les mathématiques appliquées et l’informatique pour la décision. Nous avons donc une Licence maths informatique et une Licence sciences des organisations auxquelles viennent s’ajouter un Master Finance, un Master Big Data IA, un Master ingénierie actuarielle et enfin un Master Systèmes d’information et Réseaux numériques.
Quelle est la provenance du corps enseignant à Dauphine I Tunis ? Quel est le mix entre enseignants français et tunisiens ?
La proportion est d’environ 50-50. En général, l’enseignant français donne une vue d’ensemble avec des études de cas à l’international. Pour leur part, les enseignants tunisiens focalisent sur les études de cas d’entreprises tunisiennes et l’étude du contexte national.
Les universités privées se sont convenablement positionnées.
Elles ont cultivé un rayonnement à l’international pour attirer des étudiants étrangers et en offrant une passerelle vers l’international pour la poursuite des études supérieures
L’enseignement supérieur privé se développe à vive allure. Comment expliquez-vous l’expansion du système ?
Cela tient au fait que la demande est là et qu’il faut lui offrir du répondant. Il existe actuellement en Tunisie environ 70 universités opérationnelles. Et chose remarquable, l’offre est de plus en plus variée. Ceci a de quoi surprendre quand on sait que la natalité tunisienne décline et que d’une année sur l’autre, les promotions d’étudiants baissent numériquement. Et, pourtant l’offre continue de proliférer.
Dans ce paysage de l’enseignement supérieur, les universités privées se sont convenablement positionnées. Elles ont cultivé un rayonnement à l’international pour attirer des étudiants étrangers, notamment africains, et constituer également une passerelle vers l’international pour la poursuite des études supérieures. Chaque enseigne qui s’installe intègre cette composante.
Les universités privées sont souvent perçues comme des écoles de commerce. S’agit-il d’une offre de niche ?
L’université privée propose une offre de programmes corrélée au marché. Les étudiants sont assez au fait des emplois de demain et des spécialités les mieux rémunérées pour choisir les formations qui les conduiront à ces emplois. Ce sont des cursus réfléchis des deux côtés: par l’université, pour matcher avec l’offre d’emplois, nationale et internationale ; par les étudiants, pour s’orienter dans une filière qui leur correspond et qui débouchera à coup sûr sur un emploi satisfaisant en termes de missions comme en termes de rémunération.
L’université privée propose une offre de programmes corrélée au marché. Les étudiants sont assez au fait des emplois de demain et des spécialités les mieux rémunérées.
Est-il juste de penser que l’enseignement payant reste le privilège des riches ?
Non c’est faux. A Dauphine nous ne refusons jamais un candidat qui présente un très bon dossier mais qui pourrait manquer de moyens financiers. Nous focalisons sur le niveau du candidat et ses capacités; à partir de là on tente de trouver pour lui un financement de ses études adapté à son cas. Nous disposons de différents programmes de bourses : bourses Egalité des chances, bourses d’excellence, bourses de solidarité lesquelles peuvent parfois prendre la scolarité entièrement en charge.
Nous disposons de différents programmes de bourses : bourses Egalité des chances, bourses d’excellence, bourses de solidarité lesquelles peuvent parfois prendre la scolarité entièrement en charge.
Plus récemment, nous avons aussi pris en considération les retombées de la crise sanitaire.
Certains parents se sont retrouvés exposés à une gêne financière et nous avons trouvé des solutions pour ne pas priver l’étudiant de poursuivre ses étude.
J’ajoute qu’il existe des entreprises partenaires de Dauphine qui peuvent apporter, dans le cadre de leur engagement RSE, des concours financiers dédiés ou encore qui sont prêtes à financer le cursus d’un étudiant qui rejoindra leur équipe après qui rejoindra leur équipe après son diplôme. C’est une solution gagnant-gagnant: pour l’entreprise, c’est l’assurance de disposer à termes, dans un marché du recrutement tendu, d’une ressource formée en parfaite adéquation avec ses besoins puisque l’entreprise est étroitement liée à la définition des composantes du programme ; pour l’étudiant, c’est l’assurance d’avoir ses études financées et une embauche à la clé.
Est-ce que vous organisez, en fin d’année, des meetings entre étudiants et DRH afin de faciliter les contacts d’embauche ?
Nous les organisons en milieu d’année afin d’aider les étudiants à dénicher, en priorité, des stages. En général, l’emploi finit par suivre. Nous privilégions les stages de pré-embauche car toute formation se termine par une immersion en milieu professionnel. Et, je préciserais que plus de 80 % de nos étudiants trouvent un emploi avant la diplomation.
Plus de 80 % de nos étudiants trouvent un emploi avant la diplomation
Faut-il en déduire que vos diplômés sont recherchés ?
Mieux ! Ils sont rares. Notre contrainte est d’accueillir des étudiants capables de s’accrocher à des études d’exigence que de les contraindre par des moyens financiers. Dauphine Tunis est à la taille humaine tout en étant au même niveau d’exigence que Paris. D’ailleurs, les étudiants africains ou français qui nous rejoignent trouvent chez nous un cadre de vie studieux et épanouissant.
Comment réussissez-vous à attirer des étudiants étrangers ?
C’est un challenge que nous relevons en travaillant sur nos atouts :
vient d’abord la qualité de l’enseignement qui est un élément incontournable. Arrive ensuite le niveau d’employabilité de nos programmes qui découle évidemment du premier, mais qui implique aussi que nous fassions preuve d’une forte agilité à reconfigurer, avec la réactivité, requise, la formation selon les profils souhaités par le marché de l’emploi et les entreprises.
Le Master Finance donne une large place à la Fintech et à la Blockchain. Les projets de fin d’études sont très encouragés, en ce sens.
J’ajouterais que, en complément, il convient de se doter d’une infrastructure dédiée et d’un certain palier de digitalisation. Ce sont là deux axes de démarcation qui appuient le statut à l’international.
Je préciserais que l’infrastructure doit être en ligne avec les exigences pédagogiques et dans le même temps aux normes écologiques. Cela devient un élément de benchmarking pour les étudiants de plus en plus sensibles à cette donnée.
Est-ce qu’il existe, pour un étudiant, l’éventualité d’échec ?
Cela peut survenir. Néanmoins, la force de notre écosystème fait que si un étudiant rencontre des difficultés, il reçoit le soutien de nos équipes à tous les niveaux pour analyser la source de celles ci et y trouver les solutions adéquates.
En amont, les admissions de nos étudiants se font sur la base de leurs niveaux de compétences. Un bachelier qui n’a pas, dans sa dernière année de lycée, fait preuve de très bons résultats en maths notamment ne peut pas intégrer Dauphine car nous savons que sans cela il ne parviendra pas à suivre. Ce n’est pas rendre service à un étudiant que de l’intégrer sans la maîtrise des prérequis. En tant que Directrice Générale, je préfère une promotion qui ne fait pas le plein ou une promotion avec un taux de boursiers supérieurs aux quotas de départ qu’une promotion dont certains éléments courent à l’échec.
Donc vous exigez un score à l’accès ?
Oui, naturellement. Toutefois, nous ne prenons pas en considération une valeur brute. Nous sommes aussi regardants sur le comportement et la personnalité du candidat. Et c’est ce qui détermine le tout pour un diplôme.
Existe-t-il un classement à la sortie ?
Oui, bien sûr. Le classement est fait conjointement avec Paris. Il s’agit d’un classement interne et il sert de comparatif entre les deux campus.
Est-ce qu’il existe le risque d’avoir un diplôme métropolitain et un diplôme “exotique“?
En aucune façon ! Nous avons les programmes qui sont validés par tous les organes compétents de l’Université Paris-Dauphine et par le ministère de l’Enseignement supérieur tunisien. Les évaluations des étudiants sont les mêmes sur les deux campus. Nous sommes donc soumis à un double cursus d’accréditation à Paris et à Tunis.
Promouvoir un campus de l’Université Paris Dauphine à Tunis en compétition avec des écoles à la réputation bien établie tels IHEC ou ISG n’est ce pas un pari audacieux?
Il est vrai que des institutions prestigieuses du public se sont taillées une réputation certaine. Dauphine est venue relancer la course en 2009. Aujourd’hui, les étudiants disposent, d’un côté d’une offre publique gratuite à la réputation solidement établie et, de l’autre, une université française, Dauphine, qui propose un cursus payant. Donc oui, je le reconnais, le pari en soi est courageux. Mais je pense que nous avons de nombreux atouts. Les étudiants ont cette perception de notre capacité à être “First Mover“ dans le domaine de la formation. Et au fil des années, nous nous sommes construits un profil innovation de spécialités.
Prenons l’exemple de notre Master Finance, c’est un programme particulièrement plébiscité qui attire des étudiants de Tunisie, de France et d’ailleurs. Il n’aura échappé à personne que la finance, qu’elle soit corporate ou de marché, évolue en permanence. En cela, notre Master se démarque par un programme régulièrement évolutif car reconfiguré tous les deux tout en étant rivé sur les réalités du moment.
Cette formation donne par exemple une large place à la Fintech et à la Blockchain. Les projets de fin d’études sont très encouragés, en ce sens.
Nous sommes donc soumis à un double cursus d’accréditation à Paris et à Tunis.
Ajoutez à cela que le professeur titulaire de la chaire Fin Tech sur le campus de Paris se déplace pour donner ses cours à Tunis. Et, les étudiants sont sensibles à l’ensemble de ces points forts.
Possédez-vous une certaine autonomie par rapport à l’Université Dauphine Paris ?
La pertinence de nos programmes est un souci permanent. C’est une nécessité absolue, qu’ils soient aussi pointus que ceux de Paris ou de Londres tout en intégrant une composante locale. Cela se fait en concertation avec Paris, comme les campus de Londres ou de Madrid le font aussi. Au final, le diplôme est le même pour les trois campus. Et cela est conforté par l’épreuve finale de l’employabilité qui est notre meilleur baromètre.
Faut-il dupliquer les modèles des campus américains ?
C’est ce modèle qui a prévalu au départ dans la création de bon nombre d’infrastructures d’enseignement supérieur tunisiennes.
A présent, Dauphine s’oriente davantage vers un espace qui fait le lien entre un cadre studieux et le bien-être des étudiants mais qui inclut aussi désormais le monde de l’entreprise ; un espace où l’on trouve à la fois des lieux d’enseignements et de vie comme des infrastructures sportives et culturelles, des commerces, des lieux de vie et des entreprises à travers des laboratoires de start up, des entreprises innovantes qui de par leur proximité avec l’université, participent à la formation de leurs futures ressources humaines et bénéficient d’un climat de recherche.
il existe des entreprises partenaires de Dauphine qui peuvent apporter, dans le cadre de leur engagement RSE, des concours financiers dédiés ou encore qui sont prêtes à financer le cursus d’un étudiant qui rejoindra leur équipe après son diplôme.
Cette vision, nous la matérialisons dans le nouveau campus en développement «l’Edutech».
Quels sont les projets pour Dauphine I Tunis ?
Nous souhaitons continuer à former des profils d’experts recherchés à très forte employabilité qui répondent des métiers de demain, particulièrement dans le numérique, le big data, l’intelligence artificielle, la finance et l’assurance. Et plus globalement continuer à innover en matière de définition de programmes mais aussi de contexte d’enseignement avec la création d’espaces et de concepts pertinents qui répondent à tous les enjeux mondiaux auxquels nous sommes et nous serons de plus en plus confrontés.
Propos recueillis par Ali Driss – WMC – Hors-Série
Une belle interview
Un sujet d’actualité et d’une grande importance
Très intéressant
C’est top, mais il faudra bien former les étudiants afin qu’ils répondent réellement à la demande du marché de l’emploi.